1 Avril 2020
« Continuité pédagogique », attention à l’illusion de normalité
Maintien du lien pédagogique
Depuis une quinzaine de jours, les choses s’organisent progressivement pour maintenir, à distance, un lien pédagogique. C’est le terme que nous préférons employer, plutôt que de parler d’une intenable « continuité pédagogique ».
Attaché·es à notre mission de service public, si nous pouvons dans ces circonstances exceptionnelles continuer à transmettre, à échanger, à questionner, et aussi, reconnaissons-le, à porter les esprits sur autre chose que l’anxiété du quotidien, nous le ferons avec toute notre conscience professionnelle.
Mais rupture de la « continuité pédagogique »
Mais nous voulons mettre en garde dès maintenant sur les dangers que représenterait l’illusion de normalité, la tentation de vouloir continuer à distance à un rythme ordinaire comme si de rien n’était. Cette tentation est manifeste, aussi bien dans les consignes du ministère, et parfois même dans nos pratiques, mais il faut tout de suite la repousser. La période que nous vivons N’EST PAS NORMALE et nous fonctionnerons, chacun selon les circonstances, dans un mode anormal. La priorité est, pour toute la communauté universitaire, de respecter les consignes de confinement. La situation aujourd’hui est celle de la rupture de la continuité pédagogique.
Enseignant·es, personnels de l’administration, titulaires, contractuel·les ou vacataires, nous vivons et vivrons dans des circonstances hétérogènes et qui ne peuvent pas être normées. Les conditions matérielles de confinement, d’approvisionnement, d’accès à une connexion et à du matériel informatique adéquats, la présence d’enfants, de parents, la maladie de soi ou d’un proche, dès aujourd’hui ou plus tard, ou encore l’anxiété, créent des situations diverses, mais qui ont toutes en commun d’être incompatibles avec un fonctionnement « normal ». Certain·es peuvent travailler à plein-temps, d’autres à temps très partiel, d’autres pas du tout, et les situations vont nécessairement évoluer.
Télétravail et ASA (autorisation spéciale d’absence)
Comme rappelé lors des dernières réunions du CHSCT, il convient de préciser la situation des agent·es en regard du télétravail pour tous les personnels de l'université de Lorraine, BIATSS ou enseignant·es, titulaires, contractuel·les ou vacataires.
Les directions doivent discuter au bénéfice de l’agent·e, sachant que les situations peuvent évoluer d’un jour à l’autre ou d’une semaine à l’autre. La garde d’enfants, l’absence du matériel nécessaire, l’absence de connexion, la méconnaissance des outils numériques requis pour le télétravail, et bien entendu l’état de santé de soi ou de ses proches sont des raisons pour ne pas télétravailler, et pour demander une autorisation spéciale d’absence (ASA) ; vous devez pouvoir le faire en adressant simplement un mail à votre responsable administratif ou à la direction de votre département ou de votre UFR pour les enseignants et enseignants-chercheurs. Nous encourageons tous les personnels concernés à faire cette demande et à ainsi recourir à ce qui est un droit ; cette autorisation spéciale d’absence ne vient pas en déduction des droits à congés annuels.
Nous appelons les directions de toutes les composantes à être les garantes du respect de ces droits. Ces éléments ne figurent pas clairement dans la FAQ, il faut absolument que ces droits soient rappelés et diffusés auprès de toutes et tous, titulaires comme vacataires et contractuel·les.
L'enseignement à distance suppose le télétravail des enseignant·es : la seule réglementation, c'est le VOLONTARIAT. Le télétravail est incompatible avec la garde d’enfant ou l’accompagnement de personnes vulnérables. Le télétravail est mis en place dans un cadre réglementaire précis (décret 2016-151 pour la fonction publique et arrêté du 6 avril 2018 concernant le MESR) ; en aucun cas il ne peut être imposé.
Nos attentes vis-à-vis des étudiant·es
Il est donc illusoire et dangereux de programmer la reproduction à l’identique de tous les cours. Nous ferons ce que nous pourrons, comme nous le pourrons, pour maintenir un lien pédagogique avec les étudiant·es, fournir davantage de références à celles et ceux qui ont du temps, répondre à leur questions, mais les solutions que nous trouverons seront nécessairement diverses et artisanales.
De même, nos attentes vis-à-vis des étudiant·es doivent être clarifiées : nous mettons à leur disposition des outils pour poursuivre leur travail, quand c’est possible nous leur donnons des travaux à effectuer, mais il doit être clair dès maintenant que le régime pédagogique normal ne peut être maintenu. Comme les enseignant·es, la situation matérielle, sanitaire et sociale des étudiant·es est extrêmement diverse, et va évoluer au fil du temps. Celles et ceux qui peuvent effectuer des travaux académiques pourront s’en prévaloir, mais chaque étudiant·e fera « comme il/elle peut ». Et aucun·e ne doit ressentir l’injonction de rendre des travaux au détriment de son sommeil, de sa santé physique ou psychique, ou de sa sérénité.
Les modalités d’évaluation devront prendre acte de cette rupture de la continuité pédagogique et de cette diversité évolutive des situations. Il n’est pas envisageable que des étudiant·es soient mis·es en échec sur le semestre en cours, ni même sur l’année, par exemple par manque de compensation, alors que la situation actuelle produit potentiellement ces échecs. Afin de garantir la réussite de toutes et tous, une solution pourrait être que le semestre en cours soit validé pour toutes et tous, en confiant aux départements et composantes le soin de définir le cadre de cette validation qui rendrait la situation la plus favorable pour chacune et chacun.
Fonctionnement des institutions et démocratie
Tout cela nous amène à une conclusion évidente : la continuité des activités nécessite le fonctionnement des institutions. Les instances élues doivent se réunir régulièrement (une fois par semaine ?) par visioconférence, soit en bureau soit en réunion plénière, pour faire le point, faire émerger les problèmes et réfléchir collectivement aux solutions; il s'agit des instances élues centrales (CA, CF, CVU, CS) et locales (Conseils de Collégiums et de Pôles, Départements, UFR ...) ou encore du CHSCT et du CT, avec les invité·es pertinent·es. Il n’est pas possible que des scénarios divergents soient avancés selon les filières et les diplômes. Nous sommes contre la modification du calendrier universitaire qui, en plus du télétravail, viendrait pénaliser personnels et étudiant·es en rallongeant l’année pendant la période estivale : les collègues doivent pouvoir poser leurs congés selon les modalités habituelles.
Cette période très particulière ne doit pas conduire au recul des droits des travailleurs·ses, des étudiant·es et de la démocratie. En cette période exceptionnelle et pour construire collectivement la suite, nous avons plus que jamais besoin de solidarité. Pour ce faire, il faut respecter les situations individuelles et ne pas ajouter de pressions inutiles.